Les faits sur la question la plus controversée de la politique
Dans des billets précédents, j’ai fourni une analyse des risques mondiaux à partir du rapport 2024 de l’OCDE sur les risques mondiaux. Ce qui ressortait des précédentes analyses des risques, c’était la migration. Comment cela se fait-il ? C’est un phénomène qui revient sans cesse et qui est déclenché. Et l’accent mis sur ce phénomène donne l’impression que les migrations augmentent de façon spectaculaire. Est-ce le cas ? Et les migrations sont-elles néfastes ? L’immigration diminue-t-elle avec les mesures que nous prenons ? Et pourquoi ? Ou pourquoi pas ? La réponse à cette question est nuancée. Mais personne n’a la réponse tant que les faits ne se matérialisent pas. Cela m’a incité à me pencher sur le sujet. À cette fin, j’ai lu le livre « How Migration Really Works » de Hein de Haas. | Dans cette contribution, j’exprime ma propre opinion, et non celle d’une quelconque organisation. |
Que signifie le terme « migration » ?
La définition du terme « migration » pose un premier problème. Il y a plus d’un type de migration, nous avons donc besoin de plusieurs définitions.
Je fonde ces définitions sur l’ouvrage « How Migration Really Works » de Hein de Haas. Certains de ses raisonnements m’ont marqué. Je reproduis ici ce qui me semble le plus pertinent de cet ouvrage.
Définitions
Migration : lorsque des personnes changent de résidence et restent à destination pendant une certaine période – généralement six ou douze mois – indépendamment du motif principal de la migration.
La mobilité géographique n’est considérée comme une migration qu’en cas de changement de résidence permanente au-delà des frontières administratives.
Immigration : des personnes viennent de l’étranger pour vivre dans un nouvel endroit.
Émigration : les personnes quittent le pays.
Migration illégale : le franchissement clandestin des frontières.
Trafic d’êtres humains : contre rémunération, les migrants font appel à des intermédiaires qui les aident à franchir les frontières sans autorisation officielle préalable.
Séjour illégal : par exemple, lorsque des voyageurs en règle sont restés plus longtemps que leur visa ou leur permis de séjour ne l’autorisait.
Migrants forcés : personnes qui ont dû changer de lieu de résidence en raison de violences ou de persécutions dans leur pays d’origine.
Quels sont les faits ?
Selon l’auteur, il s’agit d’une interaction entre plusieurs éléments.
Tout d’abord, la plupart des migrations sont légales. De plus, la plupart des migrants illégaux viennent avec des visas de tourisme, et non pas en empruntant la dangereuse route de l’outre-mer ou en traversant le désert.
Deuxièmement, il faut beaucoup d’argent si l’on ne migre pas à l’intérieur, mais à l’extérieur, vers des pays lointains. Migrer coûte relativement cher. Par conséquent, les pauvres ne peuvent pas se lancer dans un projet de migration à distance parce qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter les passeports, les billets, de vivre sans un revenu minimum… Il y a beaucoup de planification à faire. On ne prend pas cette décision à la légère. La plupart ont un travail qui les attend. Ce ne sont pas des aventuriers sans préparation.
Troisièmement, l’amélioration des salaires dans le pays d’origine n’est pas une solution directe en tant que stratégie de l’Occident. Après tout, c’est lorsque les salaires augmentent que les personnes qui n’ont pas les moyens d’émigrer loin auront de toute façon la possibilité de le faire. Le premier effet d’un climat économique plus favorable, avec des salaires moyens plutôt que bas, sera probablement une augmentation du flux de migrants vers l’Occident.
Quatrièmement, l’excédent de main-d’œuvre est le principal facteur d’attraction. Les gens émigrent parce qu’il y a des opportunités. Les Mexicains invoquent la violence qui règne dans leur pays, mais lorsqu’on leur pose la question, c’est l’énorme offre de main-d’œuvre qui est mise en avant, c’est-à-dire le travail que les autochtones ne veulent plus faire. La possibilité d’envoyer de l’argent au pays et d’envoyer les enfants à l’université joue également un rôle. Ce que les migrants savent, c’est qu’il existe aux États-Unis un excédent de main-d’œuvre dont les autochtones ne veulent plus. Ils sont très motivés par leurs objectifs.
Cinquièmement, la grande majorité des migrations sont des migrations internes ou vers les pays voisins. La plupart ne veulent pas aller loin, parce qu’ils veulent rester avec leur famille et leurs amis. La plupart ne peuvent pas non plus aller loin parce qu’ils n’ont pas les budgets nécessaires.
Sixièmement, les politiciens crient fort, mais les gouvernements autorisent une grande partie de l’immigration parce qu’ils savent que la main-d’œuvre est nécessaire. De temps en temps, aux États-Unis, le gouvernement organise une légalisation des clandestins, qui peuvent alors officiellement contribuer à l’économie. Les déportations ne concernent qu’un petit nombre de personnes.
Ces faits, et bien d’autres, dépoussièrent les 22 mythes que l’auteur réfute un à un de manière raisonnée.
Conclusion dans le contexte des « risques globaux » évoqués précédemment
Ce que je veux dire ici, c’est que la plupart des migrations mentionnées dans mes analyses des risques mondiaux dans le Rapport sur les risques mondiaux 2024 de l’OCDE sont des migrations internes ou vers des pays voisins proches. Et que les arguments en faveur de la migration font partie de la réalité depuis un certain temps. Il s’agit en grande partie d’un ‘wicked problem’ plutôt que d’un risque.